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Victor Ndiaye (Performances Group) : « La culture de l’émergence : Formation, Education, Innovation, Recherche »

Victor Ndiaye (Performances Group) : « La culture de l’émergence : Formation, Education, Innovation, Recherche » - investactu.com

Qu’est ce qui différentie le cordonnier de Ngaye Mekhe au Sénégal et celui de la fabrique de Louis Vuitton en France ? Rien, car les deux réalisent la même activité, du travail à la main et sur mesure pérennisant un savoir-faire millénaire. Tout, car le sac ou la chaussure de l’un coûte 100 à 200 fois plus cher que celui de l’autre. Pourquoi un tel écart de valeur ajoutée pour la même activité? La réponse est simple : c’est l’innovation. L’un répète un savoir-faire strictement identique transmis de génération en génération et jalousement gardé au sein la famille. L’autre applique des process en permanence renouvelés et enrichis de toutes les améliorations que permettent aujourd’hui les nouvelles technologies (découpe au laser, design assisté par ordinateur…).

Cette triste réalité de notre artisanat, peu créateur de valeur faute d’innovation, reflète en réalité l’ensemble de notre économie. A une époque où le savoir est largement diffusé et où la science permet de tout transformer, notre pays ne vend au reste du monde que des produits non transformés, issus de sa terre ou de son sous-sol : de l’arachide aux chinois, du phosphate aux indiens, du poisson, de l’or, du zircon, des peaux brutes et demain du gaz et du pétrole. Au final, notre croissance n’est pas portée par l’émergence de filières compétitives, mais plutôt par la pluie (qui conditionne la production agricole) et quelques grands projets d’infrastructures et d’exploitation des ressources minières, généralement portées par des entreprises étrangères. Cette croissance est fragile, augmente notre dette, dégrade notre balance extérieure et surtout crée trop peu d’emplois. Environ 5000 emplois formels sont créés tous les ans, là où 200 000 à 250 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail. Priorité du PAP2A, développer des filières compétitives constitue un impératif pour initier une créatrice véritablement créatrice d’emplois.

Au cœur de la culture de l’émergence, doit donc être une culture nationale de l’innovation.

Pourquoi innovons nous-aussi peu ? Nous sommes pourtant au quotidien envahis par les innovations des autres (téléphone cellulaire, télévisions satellitaires, plateformes numériques), à tel point que notre environnement présente le paradoxe d’avoir en permanence le 21ème siècle et le 16ème siècle qui se côtoient, les voitures électriques roulant à coté des pousse-pousses et charrettes. La raison majeure est que nous ne disposons pas de plateformes d’innovations. Dans les pays développés, la recherche fondamentale est portée par de gros financement publics, fortement relayés pour leur développement et application par les départements R&D des grandes multinationales privées. Au Sénégal, les départements de R&D en entreprises n’existent pas, comme d’ailleurs dans la plupart des PME dans le monde, la quasi-totalité de nos « grandes entreprises » étant en réalité au niveau mondial de petites PME (selon la stratification des entreprises en France, seule la Sonatel y serait une grande entreprise). Quelques rares structures publiques font un remarquable travail de recherche, notamment dans le domaine agro-alimentaire (ISRA, ITA) mais que les entreprises s’approprient trop peu pour innover. Comment alors initier la dynamique d’innovation indispensable à notre émergence ?

La solution viendra de nos universités, et de leur capacité à assurer leur vraie mission : fabriquer l’avenir.

Des exemples de par le monde montrent que les universités ont vocation à devenir les premières plateformes d’innovation d’un pays. Ainsi, tout près de nous au Maroc, la nouvelle Université Polytechnique Mohamed 6, initiée par le groupe OCP, en est un bel exemple, avec un écosystème qui rassemble entreprises et étudiants innovateurs autour des défis d’innovation clés des économies marocaines et africaines. Nos aînés d’ailleurs en étaient conscients et portaient cette ambition d’une université qui forme, non pas de simples exécutants, mais une élite capable de s’approprier les plus grandes avancées scientifiques, et sur cette base d’innover et de transformer nos multiples ressources locales, au bénéfice de nos économies et de nos populations. On se rappelle de l’Université des Mutants chère au Président Senghor, ou plus récemment de l’Université du Futur Africain. La réalité de nos universités actuelles est malheureusement toute autre.

Et au moment où une importance accrue est donnée à juste titre à la formation de bons exécutants à travers un dispositif national de formation professionnelle fortement renforcé, gardons en tête que la transformation structurelle dont notre pays a tant besoin ne viendra pas des exécutants, mais des innovateurs.

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